Le perfectionnisme : exigences élevées et attentes irréalistes
« Si je suis parfait, j’éviterai de faire des erreurs et de prendre de mauvaises décisions. Si je fais des erreurs, cela m’indiquera à moi et aux autres que je ne suis pas compétent. En étant exigeant avec moi-même, je m’assure de plaire aux autres et j’évite d’être critiqué ou rejeté. Ma valeur personnelle dépend de ma performance »
Le perfectionnisme sain vs le perfectionnisme pathologique
ll est d’abord important de distinguer le perfectionnisme sain du perfectionnisme pathologique. Être perfectionniste peut aussi signifier une volonté saine d’exceller et peut mener les gens à de grandes réalisations et contribuer à un fort sentiment de motivation afin de persévérer face aux écueils rencontrés tant au niveau académique, professionnel que relationnel.
Les individus qui ont un perfectionnisme sain sont définis comme étant consciencieux, endossent des standards possibles à atteindre, établissent des priorités saines et déploient des efforts réalistes, sans pour autant négliger des aspects importants d’un projet. Pour les individus consciencieux, la flexibilité est au rendez-vous : ils modifient leurs exigences personnelles selon les situations. Ces personnes tolèrent les erreurs et les imperfections, et parviennent à ressentir du plaisir et de la satisfaction lors de la complétion d’un projet. Les attentes sont réalistes et face à une difficulté, ils parviennent à résoudre un problème efficacement.
À l’opposé, le perfectionnisme pathologique mène la personne à s’imposer des standards de réussite et des objectifs difficiles, voire impossible à atteindre. Cette rigidité contribue au développement d’une attitude et de comportements contraignants. Les efforts ne sont pas dosés, ils sont exagérés. Un surinvestissement s’installe graduellement, et cela, au sein des tâches et des activités qui devraient généralement être de moindre importance pour la réalisation du projet au détriment de celles qui sont réellement prioritaires. La priorisation et l’élaboration d’un projet devient inflexible.
Le perfectionnisme excessif mène également à des difficultés sociales ou professionnelles importantes. Ces personnes ont de la difficulté à travailler en équipe, à déléguer, à accepter la critique, ou considérer le point de vue d’autrui. Ils doutent constamment des idées des autres qui sont partagées, mais ils doutent également d’eux même. Ceux-ci ont des difficultés à accepter les limites et les imperfections de tous, incluant les leurs. Les succès ou les échecs sont, pour ces personnes, indicateurs de leur valeur personnelle.
Les conséquences du perfectionnisme pathologique
À long terme, le perfectionnisme peut avoir des conséquences très graves sur le fonctionnement d’un individu et est lié au développement de plusieurs problématiques au plan de la santé mentale.
Des symptômes dépressifs sont fréquemment observés en lien avec le perfectionnisme pathologique. Puisque les objectifs fixés sont rarement atteints, que la satisfaction est difficilement inatteignable et que le plaisir est rarement vécu dans l’élaboration d’un projet, l’individu a de la difficulté à développer une estime de soi et une confiance en soi.
Au fil du temps, l’évitement devient également une problématique centrale chez le perfectionniste. La procrastination est fréquente : l’individu a de la difficulté à initier et à compléter une tâche. Il éprouve de la difficulté à entreprendre un projet jusqu’à ce qu’il ait l’impression d’avoir trouvé la meilleure façon de procéder. Puis, il tourne souvent en rond afin d’obtenir quelque chose qui est impossible d’atteindre : la perfection. Un état d’épuisement et de démoralisation s’installe insidieusement chez le perfectionniste, ce qui l’amène à ne plus vouloir affronter les tâches professionnelles ou autres.
L’évitement touche également la sphère des loisirs. Ces individus ne parviennent plus à se concentrer sur leurs forces, mais plutôt uniquement sur leurs faiblesses qu’ils tentent d’éviter. Ils évitent donc les expériences nouvelles dont le succès n’est pas garanti. Un environnement non familier est difficile pour ces individus, lesquels demeurent hypervigilants quant à leur performance, de peur de commettre une erreur. Certains perfectionnistes tendent donc à s’isoler afin d’éviter de confirmer leurs croyances, mais également afin d’éviter d’être perçu comme étant imparfait.
Le registre émotionnel d’une personne perfectionniste se compose généralement d’un vaste répertoire d’émotions négatives telles que la honte, la culpabilité et la colère. Toutefois, l’anxiété est sans aucun doute l’émotion la plus présente chez ces individus. Les troubles anxieux sont l’une des plus grandes comorbidités observées en lien avec le perfectionnisme.
Le perfectionnisme et l’anxiété
Le perfectionnisme est une caractéristique souvent rencontrée auprès des individus présentant un trouble d’anxiété généralisée. En effet, l’anxiété généralisée est souvent décrite comme une « allergie à l’incertitude » et celle-ci affecte les individus qui éprouvent un besoin de contrôle et de certitude dans plusieurs sphères de leur vie, comme les relations, l’environnement immédiat, la santé et la sécurité physique. Toutefois, comme il est impossible de contrôler avec perfection toutes les incertitudes de la vie, le perfectionniste tend à déployer un niveau excessif d’inquiétudes, ce qui lui donne une impression éphémère de contrôler les choses et les probabilités qu’un événement négatif se produise. Les peurs les plus fréquentes dans ce domaine sont liées à la peur de ne pas être à la hauteur, la peur de perdre le contrôle, la peur d’être blessée ou malade, ou encore, celle de subir une perte matérielle ou affective importante.
Les gens souffrant d’anxiété sociale présentent également des caractéristiques de la personnalité liées au perfectionnisme. Une personne qui est très exigeante envers elle-même peut ressentir une anxiété significative face à la possibilité de faire des erreurs devant les autres. La peur du jugement sociale est donc très forte : les individus perfectionnistes croient que leurs imperfections sont inacceptables pour les autres. Ces croyances dysfonctionnelles liées au perfectionnisme social mènent l’individu à croire que sa valeur personnelle dépend de l’acceptation de l’autre face à sa propre performance. À long terme, le perfectionnisme pathologique peut mener au développement d’une phobie sociale importante et mener l’individu à éviter des situations ou encore s’empêcher d’émettre des comportements qu’il juge comme imparfait de peur d’être jugé négativement.
La notion de perfectionnisme est aussi souvent liée aux composantes du trouble obsessionnel-compulsif. Au sein de cette problématique, se trouve souvent un besoin excessif de rencontrer un idéal de perfection dans son environnement de même qu’au niveau professionnel et moral (p.ex., valeurs). À travers un comportement répétitif et compulsif, la personne perfectionniste a souvent l’impression d’atteindre cette perfection. L’émission de comportement compulsif afin d’atteindre la perfection peut émerger du besoin obsessif d’atteindre, par exemple, un standard élevé lié à la propreté, à l’ordre de l’environnement ou encore, lié au besoin d’être une personne morale (p.ex., ne pas vouloir entretenir des idées ou des croyances imparfaites).
Quelle est la meilleure forme de psychothérapie pour le perfectionnisme ?
Il n’existe pas de thérapie parfaite. Toutefois, les psychologues sont bien formés pour intervenir et aider une personne aux prises avec un perfectionnisme pathologique.
Les interventions s’inspirent principalement du courant théorique de la thérapie cognitive et comportementale. Le principal objectif consiste à aider l’individu à modifier ses attentes et ses croyances par rapport à une multitude d’événements de la vie courante afin que ce dernier puisse percevoir de manière plus réaliste la situation et de parvenir à atténuer son besoin d’être perfectionniste.
La psychothérapie qui cible le perfectionnisme comprend généralement plusieurs étapes :
- Prendre conscience des conséquences négatives du perfectionnisme sur le fonctionnement
- Remettre en question le système de valeur puis le modifier : les individus perfectionnistes accordent généralement une trop grande valeur à la réussite et à l’accomplissement
- Modifier les pensées et les croyances irréalistes liées au besoin d’être perfectionniste
- Apprendre à fixer des objectifs réalistes et réalisables.
- Développer de meilleures compétences liées à la résolution de problèmes
- Apprendre à abaisser ses exigences à travers l’expérience : l’exposition à l’imperfection
- Graduellement apprendre à tolérer l’incertitude face à l’imperfection
- Porter attention au plaisir ressentit
Lectures suggérées sur le perfectionnisme :
- When Perfect Isn’t Good Enough : Strategies for coping with perfectionism.
- Article basé sur une entrevue d’un de nos psychologues et publié au Journal de Montréal
Article rédigé par : Dr François Bilodeau, Psychologue et Directeur de la Clinique de psychologie Berri